Holon Systems

8 SEPTEMBRE 2025

Repenser la société : aux sources de notre vision

Comment organisons-nous nos sociétés ? Pendant longtemps, nous les avons pensées comme des machines ou des pyramides : prévisibles, contrôlables, hiérarchiques. Mais cette vision est aujourd'hui dépassée. Cet article propose un changement de paradigme, en explorant trois révolutions scientifiques qui nous apprennent à voir la société non plus comme un mécanisme, mais comme un système vivant et intelligent.

La rencontre improbable de trois pionniers

Le premier, c'est Claude Shannon. Un ingénieur américain discret et génial. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il travaille sur un problème ultra-concret : comment envoyer un message codé sans qu'il soit brouillé par le bruit de fond ? En résolvant cette question, il donne naissance à la Théorie de l'Information. Pour la première fois, on comprend que l'information n'est pas juste du "sens", mais une quantité mesurable, un "bit".

Des années plus tard, au MIT, entre en scène Edward Lorenz. Un météorologue qui, un jour de 1961, découvre par hasard qu'une infime variation dans les données de sa simulation météo (0,506 au lieu de 0,506127) produit des résultats radicalement différents. Il vient de mettre le doigt sur "l'effet papillon" et la Théorie du Chaos.

À la même époque, un jeune sociologue nommé Mark Granovetter étudie comment les gens trouvent un emploi. Il découvre que ce sont nos connaissances lointaines, nos "liens faibles", qui sont les plus efficaces. Il nous donne ainsi une clé pour comprendre la puissance cachée de nos réseaux sociaux.

Trois basculements pour repenser la société

Prises séparément, ces idées étaient puissantes. Mais assemblées, elles ne s'additionnent pas, elles se multiplient et transforment radicalement notre grille de lecture du réel.

1. Du matériel à l'informationnel

Grâce à Shannon, nous avons cessé de voir le monde uniquement comme un assemblage d'objets. Une entreprise n'est plus seulement un bâtiment avec des machines, c'est avant tout un flux de décisions, de mails, de messages Slack et de savoir-faire. Un écosystème n'est plus une simple collection de plantes et d'animaux, c'est un réseau d'échanges de signaux. Ce changement de focus est radical : pour comprendre un système, il ne suffit plus de le démonter ; il faut observer comment l'information y circule.

2. De la prédiction à l'émergence

Avec Lorenz et la théorie du chaos, nous avons fait le deuil du rêve d'un monde-horloge, parfaitement prévisible. Nous avons compris que la complexité n'est pas un défaut, mais une propriété fondamentale de la réalité. Pensez à un embouteillage : il n'a pas de chef, personne ne l'a planifié. Il "émerge" des interactions simples entre des conducteurs qui suivent quelques règles. La conséquence ? On ne peut pas tout planifier "d'en haut". La solution ne vient pas d'un plan directeur, mais de l'émergence : la capacité d'un système à créer des solutions nouvelles (et parfois inattendues) par les interactions locales.

3. De l'individu à la connexion

Enfin, Granovetter et la sociologie des réseaux ont dynamité l'idée de l'individu isolé. Nous avons compris que ce qui nous définit, ce sont nos liens. Pensez à la dernière fois que vous avez trouvé une information cruciale ou une opportunité : venait-elle de votre cercle proche ou de la "connaissance d'une connaissance" sur LinkedIn ? Notre pouvoir, nos opportunités, même nos opinions, dépendent de notre position dans le réseau. La société n'est plus une masse informe, mais une architecture de relations.

Conclusion : Vers des sociétés vivantes et intelligentes

Ces trois visions — une société de l'information, de l'émergence et de la connexion — dessinent ensemble le portrait de collectifs qui ressemblent moins à des mécanismes d'horlogerie qu'à des organismes vivants. Des systèmes sociaux complexes et adaptatifs.

C'est ce changement de paradigme qui guide notre mission : créer les outils pour naviguer cette complexité et cultiver l'intelligence collective qui y sommeille. Car si la société est un réseau intelligent, alors notre plus grand potentiel réside dans notre capacité à mieux coopérer.